Interview avec Jim Catlin, photographe aux îles Caimans. Photo de couverture par Pat Freysinger
Quand et comment vous êtes-vous intéressé à la photographie sous-marine ?
Je me suis pour la première fois intéressé à la photographie sous-marine en 2001 lors d’une expédition bénévole aux îles Fidji. Au départ j’avais un appareil jetable et j’étais heureux de pouvoir rapporter des souvenirs du merveilleux monde sous-marin que j’avais sous les yeux. Malheureusement, j’étais si désireux de tout photographier que j’ai plongé avec l’appareil à plus de 15 mètres de profondeur, sa limite de tolérance, et j’ai perdu toutes les images ! Je me suis juré d’y retourner un jour avec un meilleur appareil.
Était-ce une sorte de révélation ?
Oui vraiment, ce voyage m’a ouvert les yeux sur les opportunités qui s’offraient à moi. Peu de temps après avoir fini ma licence en Grande-Bretagne, je suis parti en Égypte pour plonger en Mer Rouge et devenir Dive Master. Grâce à sa superbe transparence et ses paysages hauts en couleur, la Mer Rouge est l’un des meilleurs sites de plongée pour la photographie sous-marine et malgré le fait que je continuais à utiliser des appareils jetables, mon intérêt n’a pas cessé de croître.
Qu’avez-vous fait ensuite ?
Après une année en Égypte je me suis rendu en Thaïlande et c’est là-bas que j’ai pris conscience des intérêts que je pouvais tirer en devenant photographe professionnel. Un ami avec lequel je voyageais a obtenu un poste en tant que caméraman sous-marin à Koh Tao. Il a investi dans une housse de protection pour son reflex numérique et a commencé à réaliser de magnifiques clichés. À cette époque, il n’avait pas beaucoup d’expérience en tant que photographe mais il était très bon plongeur et a appris très vite. Peu de temps après on m’a offert un job similaire, et c’est grâce à son expérience que j’ai compris qu’il était possible de vivre de cette activité. Pour beaucoup de personnes, y compris moi, ça ne faisait pas partie de mes plans de carrière, mais ça l’est devenu lorsque les opportunités sont apparues d’elles-mêmes au bon moment. J’ai alors décidé de poursuivre ma passion.
Avez-vous fait des études spéciales ensuite ? Ou travaillé à des postes liés au monde-sous-marin ?
Depuis mon expérience aux îles Fidji, j’ai toujours été intéressé par les sciences marines. Je voulais savoir comment fonctionnaient les océans, alors je me suis inscrit à un Master spécialisé dans le management des côtes tropicales. Après avoir fini mon cursus en 2008 et étudié le Bolbometopon Muricatum poisson-perroquet à bosse aux îles Salomon, j’ai travaillé dans les Caraïbes et en Égypte pour plusieurs organisations non-gouvernementales, principalement à la réalisation des études du monde marin et l’organisation des missions des jeunes diplômés et des bénévoles autour de la flore aquatique et de l’identification de la faune des récifs.
Quel était le sujet le plus intéressant ou utile ?
Pendant tout ce temps, j’en ai appris beaucoup sur le comportement des coraux récifaux et des relations symbiotiques qui renforcent l’écosystème. À la base, mes photographies servaient d’annexes pour illustrer les études que je conduisais et leur qualité a rapidement évolué. J’utilisais encore un petit appareil photo compact, mais grâce aux connaissances apprises sur le comportement des créatures et une bonne flottabilité j’étais en mesure de produire de très bons clichés.
Comment vous êtes-vous décidé à sauter le pas et devenir un professionnel indépendant ?
Dans la mesure où la plupart de mes jobs dans les sciences marines étaient bénévoles, le besoin de revenus m’a plus ou moins fait prendre conscience qu’un changement était nécessaire. Lors de mon séjour en Égypte, un ami m’avait parlé d’un magasin de plongée sur une petite île de Thaïlande Koh Lipe qui recherchait un photographe sous-marin. J’ai réussi à économiser suffisamment pour acheter un nouvel appareil, une housse, un stroboscope et partir m’installer en Thaïlande avec ma copine, maintenant épouse, Sarah professeure de plongée.
Était-ce facile une fois là-bas ?
Débuter sa carrière de photographe sous-marin à Koh Lipe est une façon très intéressante de commencer. De forts courants, des plongées profondes qui rendent le shooting laborieux, mais cela m’a forcé à apprendre rapidement. Le fait d’être le seul photographe sous-marin de l’île aurait dû m’alerter. Nous vivions dans une hutte en bambou sur la plage, ce qui était idyllique pour nous et un peu moins pour mon matériel et mes équipements électroniques. Je devais tout garder dans des boites hermétiques avec des sachets de gel de silice pour empêcher la rouille de s’installer à cause de l’humidité.
Quelle est la clé du succès pour s’en sortir là-bas ? Et d’ailleurs combien de temps y êtes-vous resté ?
La clé dans un boulot comme celui-ci c’est d’être capable de se mettre en avant de de savoir s’adapter. Je reconnais qu’au début, j’ai dû apprendre pendant plusieurs semaines comment réduire le niveau de rétrodiffusion lié aux stroboscopes. C’était une grande expérience malgré tout, cela m’a permis de commencer un portfolio tout à fait acceptable et nous avions été assez chanceux de pouvoir faire d’incroyables plongées sous-marine, dont l’une figure dans mon top 5 : 80 minutes de folie au milieu des raies mantas au pic de Hin Mueng – Hin Deng. La Thaïlande ne connaissant que des saisons courtes à cause des moussons tropicales, il m’est rapidement venu à l’esprit de retourner dans les Caraïbes. Je souhaitais continuer à travailler en tant que photographe sous-marin, et ma femme et moi cherchions un endroit où nous pouvions jouir de conditions de vie meilleures que celles de notre hutte sur la plage en Thaïlande. Après avoir recherché plusieurs endroits où nous pourrions travailler, nous sommes tombés sur les îles Caïmans. Il y avait un vol direct du Royaume-Uni et cela semblait être la plaque tournante des photographes sous-marins.
Quelle endroit en particulier et pourquoi ?
Le centre de Cathy’s Church a attiré mon attention. Il semblait y avoir l’équilibre parfait entre enseignement, séances photos et opportunités de vente, mais également la chance de travailler aux côtés d’une vraie légende de la photo. Cathy est l’un des endroits pionniers de la photo sous-marine et je savais que c’était l’endroit où aller si je souhaitais m’améliorer. Après l’achat de mon premier appareil semi-professionnel en 2012, la qualité de mes images avait de nouveau sacrément augmenté. J’ai été nommé dans de nombreuses compétitions de photographie et publié dans des magazines de plongée au Royaume-Uni et aux États-Unis. Tout cela en grande partie grâce à ce que j’avais appris de grands mentors, mais également en enseignant la photographie aux autres et en les conseillant. Lorsque j’enseigne, je ne suis pas derrière l’objectif et j’apprends rapidement des erreurs des autres. En leur apprenant à faire de meilleurs clichés j’améliore également ma propre technique, dès qu’il vient mon tour de plonger je sais alors quelle approche adopter. J’aime visualiser mes prises autant que possible et avoir une idée ou un concept particulier avant même mon immersion sous l’eau. Le temps de la plongée étant limité, je pense qu’il est important de ne tenter qu’une ou deux approches à la fois.
Quelque chose que vous aimeriez partagez avec ceux qui veulent se lancer dans le métier ?
Si je devais donner un conseil à ceux qui voudraient en faire leur métier, c’est qu’il est très important de diversifier. Malheureusement, même les meilleurs ne perçoivent pas leurs revenus uniquement en vendant leurs clichés seuls. Personnellement, je bosse sur des mariages et des événements, mais aussi en tant que professeur et je vends également des appareils et du matériel dans une boutique. En tant que photographe, il est d’un côté important de savoir s’exposer mais de l’autre il ne faut pas en donner trop gratuitement, à part lorsqu’il s’agit de promouvoir la protection de l’espace et des fonds marin. Les compétitions et les réseaux sociaux sont des moyens géniaux de se faire remarquer, et la création d’un site internet est vitale.