On pourrait croire que d’approcher le cercle polaire pourrait nous priver de paysages merveilleux, pourtant la Norvège offre des décors uniques et un spectacle fascinant sur l’évolution des espèces marines. En dessous de Narvik à 250 kilomètres au nord du cercle polaire, un fjord des plus profonds se démarque car des centaines d’orques y ont établi leur résidence secondaire et régulièrement ils nous préparent un défilé remarqué saison automne hiver.
Depuis 1987 chaque année en début du mois d’octobre des millions de harengs se jettent dans les eaux du Tysfjord jusqu’au printemps, les courants marins ont grandement influencé et contribué à ce changement de cap et de refuge mais les temps changent … Ici nager avec les orques en Norvège devient un rêve accessible. Bienvenue dans cet univers où les vents et les courants du grand nord sont les rois de leur environnement. Un espace où la cohabitation est un monde où l’instinct de survie des baleines tueuses est plus fort que la mort.
Découvrez notre article sur l’orque, ce prédateur fascinant
Beauté des grands froids
Les aurores boréales sont un spectacle d’une beauté à couper le souffle et chaque fois qu’il m’ai donné d’en admirer une, je suis heureux comme un poisson dans l’eau. Depuis quelques années une manne nous tombe du ciel et les hivers en deviennent presque agréables. Les jours sont souvent bien trop courts et les hivers trop longs n’amènent pas la luminosité dont j’ai besoin pour pêcher l’esprit tranquille !
Bon pour me défouler un peu j’esquive le clan pour courir les filles des voisins mais maman surveille tout, elle est vraiment surprotectrice : une vraie mama ! Les beautés des grands froids m’en font parfois oublier l’essentiel, car si j’aime badiner, j’ai intérêt d’être dans les troupes quand le garde-manger fait son apparition tous les hivers mais j’ai l’impression que le réservoir diminue : je ne vais pas me plaindre, il y a toujours de quoi faire un festin de roi.
Les visiteurs
Beaucoup de touristes envahissent les côtes et c’est de plus en plus fréquent, ils ont beau mettre cette combinaison étanche pour plonger et observer les fonds marins, ils ont encore bien du mal à rester silencieux et ne pas faire ces bulles d’eau stressantes ! Ces bulles me rendent fou et plus ils s’approchent avec leurs masques bizarres et leurs combinaisons moulantes, plus ils chassent mon gibier de luxe. Ils en arrivent même à gâcher des semaines de stratégies sous-marine quand ils font leur boucan d’enfer avec leurs chalutiers vieux comme le monde.
Parfois je me venge et je donne des coups de queue pour les impressionner mais ils ne sont pas méchants ces hommes en combinaisons ! Je suis d’un naturel plutôt curieux et parfois j’aime bien nager en leur compagnie certains sont très gentils mais je garde toujours une distance de sécurité… Avant de leur faire ma farandole je vérifie toujours à qui j’ai affaire : on ne sait jamais…
Si je suis prudent, c’est que chaque année des hommes viennent avec leurs bateaux et enlèvent des membres de ma famille, 5 parmi nous ont disparu : c’est moins qu’avant mais c’est toujours trop : je me demande bien ce qu’ils deviennent ? N’en parlez surtout pas à ma mère, elle a déjà perdu une de ses filles et elle a du mal à s’en remettre, elle a tellement pleuré qu’à des kilomètres on pouvait entendre ses sifflements de tristesses et ses cris de colère.
Un réservoir inespéré de harengs pour épaulards : en chasse
Aujourd’hui c’est la journée « pump it up » en famille, je suis déjà en position d’espionnage et je fais même quelques bonds histoire de m’approprier le territoire. Les harengs sont bien là et s’offrent à moi, ils sont moins nombreux mais cela fera l’affaire. Comme à l’accoutumée je ne suis pas seul sur le coup : goélands et pygargues à queue blanche sont déjà en position pour gratter nos proies : de vrais charognards des mers qui vont se joindre au festin et ne pas en laisser une miette.
Avec la famille on a une technique bien rôdée, l’étape 1 c’est d’encercler les harengs en allant les chercher à 30 mètres de profondeur. La 2ème chose c’est de les repousser à la surface pour créer le chaos. La 3ème étape est celle de la confusion car c’est l’instant où les harengs comprennent leur funeste destin. Nous attaquons de front et pour nous échapper ils sautent dans tous les sens parmi les vagues pour s’enfuir : c’est peine perdue.
Dès qu’ils entrent dans notre périmètre j’assomme mon déjeuner avec mon coup de queue légendaire et ça y est c’est open bar ! Des dizaines de harengs sont assommés par toutes nos ondes de choc combinées et nous n’avons plus qu’à nous servir : un jeu d’enfant.
Des spectateurs émerveillés
Je les vois ces hommes en combinaison dans leurs zodiacs, le long des fjords de Lofoten ils ont enfin compris qu’il ne fallait pas nous déranger, en s’approchant de nous ils réduisent l’allure de leur embarcation et ils entrent dans l’eau avec délicatesse. Qu’ils viennent nous voir tant qu’ils veulent tant qu’ils ne se mettent pas en travers de mon chemin quand j’ai faim !
Ils sont groupés et silencieux et nous aimons de temps en temps leur souhaiter la bienvenue en faisant quelques bonds et des tours sur nous-mêmes ! Je ne pense pas qu’ils soient dangereux ces hommes, respectueux de notre mode de vie ils ne sont là ni pour nous enlever et nous mettre en aquarium, ni pour pêcher nos proies : je suis sûr qu’ils sont venus pour nous voir et nager avec nous. Les hommes et femmes en combinaisons écoutent souvent nos conversations, nos sifflements et mêmes nous entendre grogner à l’air de leur plaire.
Une nuit claire obscure
Ces hommes en combinaison doivent vraiment aimer les beautés étranges de la nature car même si en novembre le soleil ne brille que 5 heures par jour car nous sommes près du cercle polaire conséquence : dès 14h c’est extinction des feux ils viennent toujours nous faire un petit coucou. Cette période de l’année n’est pas la plus fun et même si nous sommes habitués au manque de luminosité nous pensons déménager car les eaux commencent à chauffer légèrement mais assez pour nous troubler.
Certains de mes cousins grimpent maintenant plus au nord pour suivre les harengs suivant cette route pour se reproduire. Nos océans tous connectés se réchauffent degré par degré et c’est un danger pour la survie de mon espèce. Où irons-nous si les températures continuent de grimper, si les harengs ne se reproduisent plus, mon espèce disparaitra et à terme tout l’écosystème en sera menacé !
Si vous connaissez ces hommes en combinaison faites leur un coucou de nageoire de ma part et pour les autres kidnappeurs qu’ils arrêtent de nous enlever pour faire de nous des semelles de chaussures… Quand la nature vous envoie des signaux silencieux, ne les ignorez pas car une vérité est têtue et elle remonte toujours en surface pour s’exprimer.